Les mycologues méconnus de l’Oise 

L’Oise est l’un des départements les plus boisés de France. Il possède aussi une large palette pédologique, et c’est fort logiquement que de nombreux mycologues parisiens et plus largement du nord de la France ont parcouru les bois privés et les nombreuses forêts domaniales (de Compiègne, d’Halatte, d’Ermenonville…) pour récolter et décrire des espèces de la fonge locale. Ce fut le cas d’illustres mycologues comme Emile Boudier (1828-1920) ou plus récemment, d’Henri Romagnesi (1912-1999) et de Marcel Bon (1925-2014).

Pourtant notre surprise fut grande quand nous nous sommes aperçus que tout un pan de l’histoire de la mycologie de l’Oise était occulté. Lors de recherches approfondies sur des documents anciens, nous avons fait le constat que les connaissances naturalistes de notre département devaient beaucoup à la passion d’hommes restés dans l’ombre. En mycologie, si nous connaissons Louis Graves (1791-1857), avec son Catalogue des plantes observées dans l’étendue du département de l’Oise (1857), nous étions loin d’imaginer qu’il avait bénéficié de contributions de mycologues aux connaissances remarquables pour l’époque, tels Jean-Antoine-François Léré de Compiègne et l’abbé Questier de Thury-en-Valois. Malheureusement de nombreux documents de cette époque n’existent plus car ils furent brûlés lors de l’incendie de la bibliothèque de Beauvais consécutif au bombardement du 11 août 1944.

Sous notre plume, l’ABMARS (société mycologique de référence dans l’Oise créée en 1986), tient à rendre hommage à ces mycologues injustement oubliés.

Léré, Jean-Antoine-Francois (1761-1837).

Recensement mycologique de Compiègne et ses alentours. C’est certainement avec l’abbé Questier celui qui consacra une grande partie de sa vie à étudier les richesses de l’Oise. Il est successivement apothicaire en 1792, négociant en toile, 1er adjoint de la mairie de Compiègne et deux fois maire par intérim. Ruiné en 1823, il est accueilli à l’hôpital général où il se consacre pleinement à ses recherches naturalistes. Il tombe malade en 1836 et décède l’année suivante après vendu toute son œuvre à la ville de Compiègne. Archéologue, géologue, botaniste et mycologue, il a beaucoup travaillé à la description de monuments détruits (moulins, églises, etc.) à la Révolution française. La bibliothèque Sainte Corneille de Compiègne conserve à ce jour le trésor de Léré avec 84 volumes de grande valeur dont trois sont consacrés aux champignons. Le volume 64 comprend 353 pages dont 102 aquarelles et une planche de gravures (1821), le volume 65 comporte 347 pages dont 73 aquarelles et le 66 a 333 pages dont 96 aquarelles et un dessin à la plume.

Un mystère important reste à éclaircir ! Quelle est la part de contribution de Jean-Antoine-François Léré dans le travail du célèbre mycologue Pierre (Jean-Baptiste-François) Bulliard (1752-1793), l’Histoire des Champignons de la France, ouvrage achevé par Etienne-Pierre Ventenat (1757-1808) et publié en 1809.

Voici ce qu’écrit Louis Graves dans le Catalogue des plantes observées dans l’étendue du département de l’Oise (1857) : « J’ai pu consulter aussi les collections faites autrefois à Compiègne par M. Léré, notamment de nombreuses séries de champignons qui avaient servi en partie de modèles aux figures publiées dans le grand ouvrage de Bulliard ».

D’autre part, voici ce qu’écrit Bulliard dans la préface de son ouvrage Histoire des champignons de la France (1791) : « Dans les environs de Paris même ; où il n’y a pas un seul coin que je n’aie parcouru mille fois, plusieurs espèces avaient cependant échappé à mes recherches ; je n’en dois la connaissance qu’à MM. de Jussieu, l’Héritier, Palissot, Richard, Thouin, Hahuy, Bosc, Dupuy, Thuillier, Léré, qui journellement témoins de mes travaux, n’ont cessé de me témoigner le désir de contribuer à en étendre l’utilité »

Questier, Louis-François-Honoré (1810-1879)

Abbé à Thury-en-Valois. Véritable icône méconnu de l’Oise, ce brillant mycologue a visité les parties boisées d’un nombre incroyable de communes – pas moins de 264 – de ce département. Il mangeait peu et prêchait tous les jours la bonne parole dans différentes paroisses qui le logeaient. Pour cela, il partait tous les matins avec un quignon de pain et une pomme dans sa poche et il faisait souvent 40 km par jour. Chemin faisant, il herborisa plusieurs fois les mêmes villages à des périodes différentes de l’année faisant preuve alors d’une incroyable mémoire. Il a écrit plus de 118 cahiers principalement sur les champignons de 1843 à 1877. Vers la fin de sa vie, l’abbé Questier donna une partie de ses découvertes à Hugh Algernon Weddell (1819-1877) qui n’hésitera pas à les publier sous son propre nom ! Ce remarquable botaniste et mycologue détermina de très nombreux genres, citons Dacrymyces, Tremella, Bulgaria, Helvella, Peziza, etc…

Nous sommes toujours actuellement à la recherche de l’herbier des champignons de l’abbé Questier qui fut vendu à Meaux, il y a quelques années. D’autres herbiers comme celui de Marcilly devraient à l’avenir, si nous les localisons, nous réserver de bonnes surprises.

Sarrazin, Frédéric (1825-1891)

Capitaine de cavalerie commandant le 3ème bataillon des hussards à Guéret (Creuse), Chevalier de légion d’honneur, membre fondateur de la Société mycologique de France en 1884. Grand ami de Casimir Roumeguère (1828-1892). Il était considéré comme un des meilleurs mycologues de France. Emile Boudier lui rendit hommage en créant en 1887 une petite pézize qui porte son nom : Galactinia sarrazinii.

D’autres mycologues sont moins connus mais ils ont aussi activement participé au recensement et à la découverte des champignons de l’Oise.

Bazin, Armand (1817-1855)

Recensement mycologique à Mesnil Saint Firmin.

Boivin, Louis-Hyacinthe Boivin (1808-1852)

Recensement à Attichy, Compiègne, Trosly-Breuil et en forêt domaniale de Laigue. Voyageur dans l’Ouest de l’Océan Indien pour le compte du Muséum d’Histoire naturelle.

Chevalier (Abbé)

Abbé à Senlis. Recensement mycologique à Senlis et sa région.

Daudin, François-Louis-Hyacinthe (1802-1889)

Recensement mycologique du canton de Méru, Pouilly. Correspondant de Louis Graves.

Delacourt (1797-1881)

Recensement mycologique à Beauvais.

Duby, Jean-Etienne (1798-1885)

Recensement mycologique à Compiègne. Suisse de nationalité, auteur célèbre de la 4e édition de la « Flore Française » et du Botanicum Gallicum (1828). Correspondant de Louis Graves.

Juillet, Jules (1802-1868)

Médecin et maire de Creil et membre du Conseil Général de l’Oise. Recensement à Aumont, Creil, Pont-Saint-Maxence, Verneuil-en-Halatte. Correspondant de Louis Graves.

Lefèvre, Louis-Victor (Lefébvre ?) (1810-1878)

Recensement mycologique à Jaux, Estrées-Saint-Denis. Instituteur à Cuvergnon. Correspondant de Louis Graves.

Marcilly, Louis-Denis-Arnoult-François-Marie (1823-1886)

Recensement mycologique à Compiègne. Ce mycologue a légué 78 cartons de plantes et champignons séchés à la Société Botanique de France. Voir sa biographie de Roze dans bull. Soc. bot. Fr. 1886 : 471-476.

Morelle, Pierre-Nicolas

Abbé. Recensement mycologique des environs de Senlis. Correspondant de Louis Graves.

Pillot, Pierre-Louis-Léonard

Abbé à Rosières en 1854, Chanoine à Compiègne. Recensement mycologique à Compiègne.

Rodin, Hippolyte (1829-1886)

Recensement mycologique à Beauvais, Formerie, Nivillers et Therdonne. Auteur de l’ouvrage « Les plantes médicinales et usuelles de nos champs, jardins, forêts » (1872). Oncle du sculpteur Auguste Rodin.
Il existe dans l’Oise en dehors de l’ABMARS deux autres sociétés mycologiques, l’AFODHEZ (les Amis de la Forêt de Hez-Froidmont) et la Société mycologique de Montataire (1945).

Nous remercions vivement M. Pascal Hériveau (SMF) pour la relecture de ce texte, les compléments d’informations et la recherche des documents anciens. Nous remercions également Mme Marie-Christine Le Pezennec (ABMARS) pour son aide précieuse.

 

 

Aquarelle de Jean-Antoine-François Léré.
L’espèce représentée ici est certainement Leucocoprinus cretatus Locq. ex Lanzoni
qui ne sera décrite que bien des années plus tard en 1986.
Récolte insolite sur épluchures d’ananas dans l’orangerie du château de Compiègne.

Aquarelle de Clathrus volvaceus(Clathrus ruber) par Jean-Antoine-François Léré.
Copie presque conforme à la représentation faite dans l’ouvrage de Bulliard !

 

Aquarelle d’Agaricus contortus (Gymnopus fusipes)
par Jean-Antoine-François Léré avec sa description

Aquarelle d’Agaricus petalodes (Hohenbuehelia petaloides) par Jean-Antoine-François Léré
avec sa description. Ne serait ce pas ici plutôt Lentinellus cochleatus ?

Auteurs: Philippe CLOWEZ et François PETIT

ABMARS (Association des Botanistes et Mycologues Amateurs de la Région de Senlis)