Le Nord-Pas-de-Calais fut la première région française à être dotée d’une Liste Rouge des champignons menacés (Courtecuisse 1997[1]). Cette liste, fondée sur un inventaire de 2844 espèces recensées dans la région, listait 43 % d’espèces menacées ou potentiellement menacées, soit près de la moitié des espèces de la région. Les critères d’évaluation, aujourd’hui révisés (UICN 2012a[2]), reposaient alors essentiellement sur le nombre de mentions régionales, l’association à des milieux ou des plantes eux-mêmes menacés ou vulnérables, et le dire d’expert reposant sur l’expérience, très vaste mais non quantifiée, des mycologues régionaux.
Depuis 1997, le nombre d’espèces recensées a été plus que doublé, le nombre d’observations s’est considérablement accru, et les méthodologies d’évaluation de la vulnérabilité des espèces se sont affinées. L’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a récemment fourni des outils précis d’évaluation des menaces à l’échelle régionale (UICN France 2011[3] ; UICN 2012b[4]).
La principale difficulté rencontrée par les experts en charge des Listes Rouges réside dans l’applicabilité, pour des organismes aussi singuliers que les Champignons, de critères conçus à l’origine pour la grande faune et les végétaux supérieurs. La second réside dans la faible densité d’informations sur la fonge, par comparaison avec les autres groupes : alors que les champignons représentent près d’un cinquième de la diversité biologique (dominée par les Insectes), les données naturalistes disponibles sont éparses, et malgré les efforts du Pr. Régis Courtecuisse pour les centraliser depuis 1992, aucun outil ne permet actuellement leur consultation à grande échelle.
Concomitamment à l’élaboration de l’Atlas Mycologique des Hauts-de-France et de la base de données régionale, est venu le projet de Liste Rouge régionale, englobant l’ancienne Picardie, non couverte par l’ancienne Liste rouge. Cette démarche régionale profite aujourd’hui de deux atouts : la base centralisée, qui demandera à être encore alimentée par les membres de la SMNF et de ses partenaires, et l’expérience de prédécesseurs « pionniers » des Listes Rouges modernes pour la Fonge, dont les méthodologies sont détaillées et validées par l’UICN : Midi-Pyrénées (Corriol, 2015[5]) et Franche-Comté (Sugny, 2016[6]).
Le projet de Liste Rouge Hauts-de-France est donc étroitement lié au succès du portail Hauts-de-France, aux outils statistiques qui seront mis en place au printemps 2018 pour analyser et synthétiser les données existantes, et à l’émulation que créera la publication de la base de données auprès des mycologues régionaux pour participer à ce travail d’évaluation, qui repose toujours fondamentalement sur l’expérience des acteurs du milieu associatif.
[1] Courtecuisse, R. (1997). Liste rouge des champignons menacés de la région Nord-Pas-de-Calais (France). Cryptogamie, Mycologie 18(3): 183-219.
[2] UICN. (2012). Catégories et Critères de la Liste rouge de l’UICN : Version 3.1. Deuxième édition. Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : UICN. vi + 32pp. Originalement publié en tant que IUCN Red List Categories and Criteria: Version 3.1. Second edition. (Gland, Switzerland and Cambridge, UK: IUCN, 2012). ISBN : 978-2-8317-1540-7
[3] UICN France (2011). Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées – Méthodologie de l’UICN & démarche d’élaboration. Paris, France. ISBN : 978-2-918105-14-5
[4] UICN. (2012). Lignes directrices pour l’application des Critères de la Liste rouge de l’UICN aux niveaux régional et national : Version 4.0. Gland, Suisse et Cambridge, Royaume-Uni : UICN. iv + 44pp. Originalement publié en tant que Guidelines for Application of IUCN Red List Criteria at Regional and National Levels: Version 4.0 (Gland, Switzerland and Cambridge, UK: IUCN, 2012). ISBN : 978-2-8317-1583-4
[5] Corriol G. (Coord.) (2014). Liste rouge des champignons de Midi-Pyrénées. Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées. 20 p.
[6] SUGNY D., BEIRNAERT P., BILLOT A., CAILLET M. & M., CHEVROLET J.P., GALLIOT L., HERBERT R., MOYNE G. (2013). Liste rouge des champignons supérieurs de Franche-Comté. Publication commune Fédération Mycologique de l’Est, Conservatoire National Botanique de Franche-Comté et Société Botanique de Franche-Comté. LUNÉVILLE, imprimerie PARADIS, 114 p.