Un outil : les Espèces Déterminantes

(adapté de : COURTECUISSE, R., C. LÉCURU & P.-A. MOREAU, 2005 les espèces « déterminantes » du Nord-Pas-de-Calais. Groupes d’espèces fongiques d’intérêt écologique par type de milieux. Bulletin de la Société Mycologique du Nord de la France 78: 55-75)

Depuis 2004, la délimitation des ZNIEFF se fonde sur l’existence d’espèces dites « déterminantes », autrement dit sur des espèces dont la présence suppose une mesure de classement du site en ZNIEFF(1). Le principe est de disposer d’une liste d’espèces représentant un intérêt écologique identifié, dont la présence sur un site permet d’évaluer la valeur patrimoniale de ce site et de son classement éventuel en ZNIEFF.

L’élaboration d’une telle liste ne peut se faire que sur des critères précis. Le contexte étant celui d’une protection des habitats, les espèces choisies doient être inféodées à un habitat déterminé, indiquant le bon équilibre écologique de cet habitat. L’habitat lui-même doit déterminé, indiquant le bon équilibre écologique de cet habitat. L’habitat lui-même doit présenter une certaine « naturalité » (inutile de chercher à protéger un tas d’écorces ou un pot de fleurs !). D’autres critères moins scientifiques mais typiquement pratiques sont aussi à considérer : la présence de ces espèces doit pouvoir être décelable par un usager averti (mycologue de préférence), donc être relativement repérables sur le terrain, et identifiables sans étude approfondie ni littérature spécialisée.

On rajoutera un dernier critère purement « publicitaire » : la présence d’espèces spectaculaires, pouvant devenir emblématiques d’un site (comme Hygrocybe calyptriformis pour les pelouses acides) et éventuellement frapper l’œil et la sensibilité des gestionnaires, politiciens et propriétaires de terrains, plus enclins à protéger un beau champignon modérément rare qu’un Pyrénomycète même unique au monde… Ce qui revient au concept très opportuniste d’« espèce-parapluie » cher à Stephen Jay Gould : en parvenant à protéger des espèces spectaculaires, c’est l’ensemble des communautés mycologiques et des autres organismes associés que l’on peut ainsi maintenir, même si l’on ignore l’existence de la plupart d’entre eux. Les champignons s’y prêtent particulièrement bien, les espèces les plus rares étant évidemment les plus aléatoires à observer, mais leur présence pouvant être soupçonnée avant d’être observée lorsque d’autres espèces plus régulières sont signalées. Ce seront ces espèces qu’il faudra rechercher en priorité dans ce contexte, leur présence devant inciter à redoubler d’attention pour en déceler d’autres.

Toutes les espèces rares ou supposées menacées de la région Nord – Pas-de-Calais ne sont pas strictement liées à un milieu naturel précis… Le déficit de données écologiques précises empêche souvent de définir précisément l’aire de répartition potentielle ou le niveau de menace des espèces. Beaucoup possèdent un spectre écologique relativement large et chevauchent plusieurs habitats, parfois très différents.

Les gradients d’humidité, de pH, ou relatifs à d’autres facteurs, supportés par ces espèces à large spectre rendent impossible leur classement dans une liste écologique pré-établie. D’autre part, beaucoup d’espèces fongiques possèdent des niches particulières, au sein d’unités de végétation assez bien caractérisées par ailleurs (à une autre échelle de perception) ; pour toutes ces espèces, il semble inutile d’établir une liste particulière dans le présent contexte, la protection et l’avenir de ces niches étant a priori garanti si on parvient à gérer les habitats qui les abritent. La notion d’espèce « parapluie » semble donc s’appliquer facilement aux champignons puisque les espèces citées ici « couvrent » beaucoup d’autres taxons. Cependant, certains habitats spéciaux aux champignons et non pris en compte par d’autres naturalistes (excréments, charbonnières, etc.) ont été ajoutés.

Nous avons donc essayé de rassembler les espèces les plus rares ou les plus précieuses de la région, en nous limitant à celles qui possèdent un milieu de prédilection assez clairement ciblé et qui se rangent plus ou moins facilement dans les grands types d’habitats adoptés par les phanérogamistes pour cette liste régionale ; dans quelques cas cependant, nous n’avons pas voulu éliminer certaines espèces, de haute valeur patrimoniale mais mal fixées sur le plan écologique, et nous les avons alors rangées dans l’habitat où elles semblent les plus fréquentes et représentatives, en indiquant entre crochets les autres habitats, où elles peuvent jouer le rôle de transgressives.

Quelques sous-catégories précisent la répartition écologique des espèces dunaires, forestières, etc., en raison des relations mycorhiziques de certaines des espèces fongiques, qui sont associées à des essences particulières dans un cadre de relation trophiques extrêmement restrictives.
Enfin, les espèces de détermination très délicate et celles dont les sporophores sont de très petite taille ont été écartées de cette approche pour des raisons pratiques.

 

(1)  ELISSALDE-VIDEMENT L., HORELLOU A., HUMBERT G. & MORET J., 2004.- Guide méthodologique sur la modernisation de l’inventaire des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Mise à jour 2004. Coll. Patrimoines Naturels . Muséum National d’Histoire Naturelle. Paris – 73 pages. Accessible en ligne (fév. 2018) : https://inpn.mnhn.fr/docs/guideCorrectGrpe-bis_14_09_2004.pdf